On entend souvent dire : « Les hommes ne parlent pas ».
Ils ne partagent pas leur monde intérieur, leurs émotions, leurs ressentis, ou tout simplement ce qu’ils vivent. Et même s’il y a une part de vérité dans cette affirmation, il est nécessaire d’aller plus loin.
D’après mon expérience, il est assez vrai que les hommes sont souvent soit en train de plaisanter (avec ou sans alcool), soit engagés dans une discussion intellectuelle. Rarement ont-ils des conversations profondes et significatives sur ce qu’il se passe réellement dans leur vie. N’est-ce pas ?
Il est aussi frappant de constater les lieux où les hommes ont tendance à se retrouver :
Bars. Pubs. Boîtes de nuit. Karaokés. Des lieux peu propices, dirait-on, à parler de la vie.
Combien de fois ai-je entendu l’histoire d’un homme dont la femme envisage sérieusement une séparation, entourée et soutenue par ses proches, alors que le partenaire masculin non seulement ne voit rien venir, mais n’a aucun ami à qui en parler ? Cela m’est arrivé il y a 20 ans : quand mon ex-femme a envisagé la séparation, je ne l’ai pas vu venir et je n’avais personne d’assez proche à qui en parler — sans parler du fait que je ne savais même pas quoi dire.
Quand on demande aux hommes pourquoi ils ne partagent pas davantage entre eux, plusieurs facteurs émergent :
- Ils ne l’ont jamais expérimenté. Aucun modèle masculin autour d’eux ne leur a montré comment faire.
- Ils ne savent pas comment partager. De quoi parler ? Quels mots utiliser pour ne pas passer pour un idiot ou pour quelqu’un de faible aux yeux des autres hommes ? On juge souvent ce qu’on aimerait exprimer avant même d’avoir commencé à parler. Résultat : on finit par s’auto-censurer.
- La peur d’être jugé.
- Les autres hommes ne le font pas, alors pourquoi moi ?
Une autre raison que j’identifie est le manque d’espace sécurisé.
Très rarement les hommes ont connu l’expérience d’un espace sûr, sécurisé, entre hommes. Ils connaissent surtout l’ambiance du vestiaire ou celle du bar et de la boîte de nuit, où tout est fait pour s’amuser et rester en surface. Il n’y a rien de mal à cela, mais les hommes ont aussi besoin d’un espace où ils peuvent se sentir en sécurité.
Si vous êtes un homme qui se sent déjà peu sûr de lui ou inadéquat, comment pourriez-vous parler de choses personnelles et vulnérables dans un environnement où vous ne vous sentez pas en sécurité ? Il est tout à fait logique que cet homme réprime son expression de soi.
J’irais même jusqu’à dire que la plupart des hommes ne se sentent pas en sécurité de manière générale, car ils vivent dans un mode de survie permanent, basé sur la comparaison et la compétition avec les autres hommes.
Après plus de 200 cercles d’hommes, j’ai vu, encore et encore, que cette idée selon laquelle « les hommes ne parlent pas » s’effondre dès qu’ils se réunissent dans un espace sûr avec l’intention d’être authentiques, d’exprimer ce qui n’a jamais été dit, et de s’écouter les uns les autres.
Lorsqu’ils se rassemblent avec cette intention partagée d’être eux-mêmes et d’être ouverts à l’expérience des autres hommes, une atmosphère de sécurité se crée, laissant place à une forme de magie.
Cette magie porte un nom : la connexion.
Il suffit d’un exercice simple de recentrage, comme un scan corporel ou une respiration consciente, pour ancrer les hommes dans le moment présent. Pas besoin que cela dure longtemps : cinq minutes suffisent, même après une longue journée de travail, car l’énergie du groupe est tournée vers un objectif commun.
Quand un homme commence à partager sur lui-même, ses luttes et ses joies, on peut sentir la connexion s’installer dans l’espace, créant un lien puissant entre les hommes, sans qu’ils aient besoin de faire autre chose que d’être eux-mêmes.
Je suis reconnaissant d’avoir pu en être témoin à maintes reprises.
Oui. Les hommes parlent.
Dans un espace sûr.
Alors, quelques questions se posent :
L’environnement dans lequel vivent les hommes n’est-il pas assez sûr pour leur permettre de parler de leurs émotions, ou bien ne savent-ils vraiment pas comment faire ?
Les relations entre hommes sont-elles suffisamment sécurisantes pour leur permettre de parler d’eux-mêmes sans se sentir jugés ou critiqués ?
Comment pourrions-nous créer davantage d’espaces sûrs et de connexions pour les hommes, dans une culture qui valorise la compétition et la performance ?